Dans un projet, l’équipe a souvent la tête dans le guidon, se concentrant sur la livraison des attendus dans les temps et dans le budget, parfois au détriment de l’équipe elle-même et de sa dynamique. Pourtant, c’est un élément essentiel pour assurer la réussite du projet. Parfois, on va ressentir des tensions qui nuisent à l’efficacité de l’équipe, sans réussir à en identifier les causes. L’équipe elle-même peut rencontrer des difficultés à mettre des mots sur ce qu’il se passe. J’ai rencontré le cas dans une des équipes que j’accompagnais. Et voici ce que nous avons fait.
L’équipe projet était composée d’une dizaine de membres en distanciel, basés dans des pays et avec des cultures différentes. Avec la pression inhérente à tout projet, il y avait de nombreux non-dits et des difficultés à communiquer. L’équipe travaillait avec une approche agile, et malgré les rétrospectives, les membres avaient du mal à partager leurs réels sentiments et pensées. Cela venait probablement de la combinaison du distanciel, de différences culturelles où le feedback perçu comme négatif ne se partage pas comme cela, et d’une forme de politesse. Il fallait donc trouver une autre façon de faire sauter les verrous.
Nous avons décidé de mettre en place un atelier visant à réaliser un diagnostic des manières de travailler de l’équipe. Nous avons organisé une réunion dédiée de 2 heures appelée « Le Procès ». L’équipe a été séparé en deux : d’un côté les avocats de la défense, de l’autre les procureurs. J’étais la Juge, chargée d’animer et de faciliter les débats. La Product Owner a pris le rôle du jury. Chaque équipe a eu du temps pendant la session pour préparer ses arguments. La Défense devait identifier 10 choses que l’équipe faisait bien, les Procureurs 10 choses que l’équipe devait améliorer dans sa manière de travailler. Puis, chaque équipe a nommé un représentant chargé de partager leurs conclusions, commençant chacune d’entre elles par « L’équipe est coupable car… » ou « L’équipe est innocente car… ». S’en est suivi des discussions sans faux semblants, des présentations d’arguments et de contre arguments, chaque équipe prenant à cœur son rôle d’avocat de la défense ou de procureur.
L’aspect jeu de rôle a réellement libérer la parole. Les sources des tensions ont été identifiées et l’équipe a pu mettre en place un plan d’action leur permettant de les corriger. En parallèle, les points positifs ont également été listés et des actions pour les renforcer ont également été mises en place. D’un point de vue culturel, deux personnes ont eu l’impression que l’exercice était une stigmatisation. Néanmoins ils ont tous été d’accord pour mettre en place les changements.
Le Jugement est un atelier qui peut grandement servir pour établir un diagnostic d’équipe et déterminer les raisons d’un sentiment parfois confus que quelque chose ne va pas. Le jeu de rôle permet aux participants de prendre du recul et d’avoir une vision plus claire sur eux-mêmes. Néanmoins, l’aspect culturel n’est pas à sous-estimer. Il est important d’avoir en tête que ce genre d’atelier peut choquer certaines cultures et donc d’insister sur la pédagogie de l’exercice.
Crédit Photo : [Moments by Marion] (https://momentsbymarion.com/)